Architecture et décors du prieuré

Fondé au Moyen Âge, le prieuré de Pommiers accueille une communauté de moines bénédictins clunisiens jusqu’à la Révolution française puis connait des usages civils variés. Il forme aujourd’hui un ensemble patrimonial remarquable, témoin de 1 000 ans d’histoire et d’architecture.

L'église prieurale

egliseAujourd’hui propriété de la commune de Pommiers-en-Forez, l’église Saint-Pierre-Saint-Paul est construite aux XIe et XIIe siècles. D’abord charpentée au XIe siècle, elle est voûtée et renforcée par des contreforts le siècle suivant. De style roman, d’une seule élévation (grandes arcades), elle présente un plan en croix latine constitué d’une nef et de deux bas-côtés et d’un transept débordant. Le chœur, composé d’une abside semi-circulaire, est enserré entre deux absidioles. Un clocher de plan carré et à baies géminées, surélevé au XIIe siècle, surmonte la coupole sur trompes de la croisée du transept. À l’intérieur, la voûte est percée de vingt-neuf niches accueillant vingt-sept pots acoustiques ou echea (les deux manquants ont été déposés dans les collections du prieuré primitif) au niveau de la dernière travée de la nef. Ces echea, installés par les moines au XIIe siècle, servent à améliorer la perception des sons et des voix lors des offices chantés et des prières.

Au cours de la guerre de Cent ans, peut-être durant la seconde moitié du XIVe siècle, un grenier est ajouté au-dessus du bas-côté nord de l’église. Deux conduits installés dans l’épaisseur du mur nord permettent de vider les grains vers l’extérieur, du côté civil. Les moines pouvaient accéder au grenier depuis les édifices claustraux en empruntant une galerie intérieure s’appuyant sur la façade occidentale. Deux portes comblées sont encore visibles dans la base de la voûte au niveau de la première travée de la nef.

Pendant les guerres de Religion, le prieuré et l’église subissent les destructions des troupes protestantes du baron des Adrets dans les années 1560. Après cette incursion, le prieur commendataire Jacques Ier de Rostaing entreprend d’importants travaux de restauration de l’église après son saccage (restauration des fresques détériorées, renforcement du pilier sud du transept, etc.) ; et du mur d’enceinte ouest après que les protestants ont fait une brèche lors de leur attaque. Ces travaux ont certainement été financés par un membre cadet de la famille de Rostaing et le marquis et maréchal Honorat de Savoie-Villars. Leurs armes se retrouvent sur l’arc séparant la nef et le chœur de l’église. Au XVIIe siècle, le bras sud du transept est raccourci pour installer l’escalier monumental dans l’aile est du prieuré.

peinturesLe décor intérieur est assez épuré, seuls les chapiteaux de la croisée du transept et de l’abside comporte un décor végétal (chapiteaux à feuillage). Cependant, l’église possède des décors peints. Sur le pilier sud de la troisième travée de la nef figure une peinture murale (XIVe siècle) représentant deux scènes : en haut, le portement de Croix, et en bas le martyre de saint Sébastien. Saint Sébastien est souvent invoqué pour lutter contre les épidémies de peste et les épidémies en général. Cette peinture pourrait dater du milieu ou de la deuxième moitié du XIVe siècle et serait destinée à protéger Pommiers de l’épidémie qui ravage le Forez à cette période.

L’absidiole nord est la partie la plus décorée de l’église. Recouvertes d’un badigeon, les peintures murales sont découvertes entre 1936 et 1938. Datées de la fin du XVe siècle (environ 1470), elles représentent la vie de Jésus Christ en huit panneaux : au sud, l’Enfance de Jésus, au nord, la Passion. Le décor encadrant composé de pilastres est peut-être plus tardif (début XVIe siècle). Dans l’embrasure de la baie, deux personnages sont également représentés : au nord, saint Benoît (protégeant un prêtre ou un prieur), et au sud, saint Amand (protecteur et supposé fondateur de l’abbaye de Nantua). Ces représentations pourraient datées du début du XVIe siècle.

Légendes photos :
Eglise prieurale Saint-Pierre-Saint-Paul - Département de la Loire - Elyas Saens
Peintures murales de l’église prieurale Saint-Pierre-Saint-Paul © Département de la Loire - Elyas Saens

Le prieuré primitif

prieure primitifLe prieuré initial remonte au XIe siècle, au moment de la construction de l’église Saint-Pierre-Saint-Paul. Situé en contrebas de la butte argileuse, parallèle à l’église, il mesure quatorze mètres et soixante-dix centimètres de long sur sept mètres et soixante centimètres de large sur une hauteur de huit mètres environ. Les chaînages d’angles encore bien visibles et les baies une baie romane dans le mur oriental, deux baies modifiées dans le mur méridional) permettent de restituer le premier bâtiment. Il sert de réfectoire aux moines jusqu’au XVe siècle.

Au XIIe siècle, un nouveau bâtiment s’appuyant contre le pignon oriental du premier édifice est élevé. Une porte monumentale est créée sur sa façade sud tandis qu’une deuxième porte est ouverte à l’intérieur du bâtiment, créant ainsi un sas d’entrée. Ces portes dessinent un axe de circulation sud-nord en forte pente (avec un dénivelé d’environ quatre mètres) menant directement à l’église. Au cours des fouilles archéologiques, l’escalier aménagé pour accéder à l’église a été retrouvé. Enfin, au sud de l’entrée monumentale, il devait probablement exister un emmarchement détruit lors de la mise en défense du site. La première salle capitulaire était peut-être située dans ce bâtiment.

À l’ouest, un autre bâtiment est édifié à la suite de l’aile orientale, vers le XIIe-XIIIe siècle. Des vestiges de portes à linteau droit et d’une autre porte d’entrée s’implantant désormais deux mètres au-dessous de la place de l’église actuelle, ont été découverts lors des fouilles archéologiques. Ils démontrent que cet espace a été comblé à la fin du Moyen Âge. 

Légende photo : Prieuré primitif de Pommiers-en-Forez. La baie romane donne accès au premier réfectoire des moines © Département de la Loire - Guillaume Atger

Le prieuré fortifié

fortifiéPour se protéger des troubles liés à la guerre de Cent ans, les moines décident de fortifier le prieuré et l’ensemble du bourg ecclésial à la fin du XIVe siècle. Ils font élever trois imposantes tours défensives contre le bâtiment sud du prieuré. Celles-ci mesurent environ vingt-cinq mètres de haut, six mètres de diamètre, et les murs environ un mètre et soixante-dix centimètres d’épaisseur. Elles sont équipées d’archères-canonnières et leur base est plus large, de forme convexe, pour rendre le travail de sape plus difficile et permettre à des projectiles lancés depuis les tours de ricocher sur la maçonnerie pour atteindre les assaillants. Au pied des tours, grâce aux travaux de terrassement, une terrasse de fortification est également aménagée.

La construction des tours au sud du prieuré n’est pas sans importance : la deuxième tour condamne un point faible dans la structure du prieuré, à savoir l’entrée du monastère depuis le XIIe siècle. Dans la troisième tour contiguë au réfectoire du prieuré primitif, les moines aménagent un cul-de-basse-fosse : cet espace sert de réserve à grains pour subvenir aux besoins de la communauté religieuse (alimentation, conservation des semences, aumône). Enfin, dans la première tour, les moines aménagent aux XVIIe-XVIIIe siècle une cellule lorsqu’ils modifient le dortoir commun en cellules individuelles.

Concernant la défense du bourg ecclésial, une enceinte fortifiée équipée d’archères-canonnières est élevée et la porte, unique entrée à l’est du village, est fortifiée. Elle est protégée par deux tours portières (dont la base de l’une d’entre elles est toujours visible) et un pont-levis, précédés d’une rampe d’accès sur fossés et d’une barbacane située en contrebas de la pente, aujourd’hui disparue.

 

Légende photo : Vestiges des fortifications du village et du prieuré

Le logis du prieur

L’architecture Renaissance est surtout visible sur les bâtiments occupés par le prieur commendataire. Construit et aménagé vers 1535, le logis prieural présente une élégante façade de transition entre le gothique et la Renaissance en briques rouge et noir. Le rez-de-chaussée donnant sur l’actuelle place de l’église est rythmé par des arcades brisées tandis que le niveau supérieur présente des croisées à base prismatique. Les niveaux du logis sont desservis par une tourelle d’escalier à vis octogonale. La porte de rez-de-chaussée comporte un linteau avec un décor polylobé (ou en quintefeuille ?), des coquilles Saint-Jacques et le blason du prieur commendataire d’Hostun. La façade sud présente également plusieurs croisées ainsi qu’une tour, symboles du pouvoir et de la richesse du prieur.

À l’intérieur, la salle de justice témoigne également du luxe dans lequel vivent les prieurs commendataires. Le sol est couvert de carreaux de terre cuite, les murs et le plafond à la française sont recouverts d’un enduit blanc. Une cheminée en granite ornée d’une coquille Saint-Jacques (décor Renaissance) agrémente la pièce.

linteauEnfin, plusieurs linteaux de porte marquent la limite entre le logis prieural et les bâtiments monastiques. Ils attestent du contraste entre l’architecture ostentatoire du prieur et l’architecture plus sobre et rigoureuse des moines. L’un des linteaux présente un décor gothique flamboyant (arc en accolade et flammèches) tandis qu’un autre possède un décor Renaissance (arc en accolade, frises de fleur, trèfles, chapelet, etc.).

Le logis prieural possède des similitudes architecturales avec le logis prieural de l’abbaye de Charlieu ainsi que la Bâtie d’Urfé, tous construits entre la fin du XVe siècle et le milieu du XVIe siècle (toit à fortes pentes, croisées moulurées, décors de baies, succession d’arcades). Cette période de transition entre l’art gothique et la Renaissance se manifeste au travers de l’architecture et du décor de ces bâtiments, édifiés pour exprimer la puissance et la richesse de leurs propriétaires (renvois vers la Bâtie et Charlieu).

 

Légende photo : Linteaux de porte marquant le contraste entre le mode de vie monastique et le mode de vie ostentatoire du prieur commendataire © Département de la Loire - Guillaume Atger

La modernisation du prieuré

modernisationAu XVe siècle, les moines décident de rehausser les bâtiments monastiques et de stabiliser les niveaux de circulation encore marqués par un important dénivelé orienté nord-sud : les espaces du prieuré primitif deviennent ainsi des sous-sols servant d’espaces de stockage. En réutilisant la terre décaissée lors de la fortification du site, les moines comblent la cour intérieure du prieuré ainsi que le parvis de l’église à l’ouest, faisant de ces niveaux les espaces de circulation actuels.

Au cours des XVIIe et XVIIIe siècles, les moines entreprennent d’importants travaux d’aménagement au sein du prieuré. La construction du cloître pourrait être comprise entre la fin du XVIe siècle et le début du XVIIIe siècle. C’est le centre du monastère, à la fois espace de méditation et de circulation desservant l’ensemble des bâtiments. De style classique, il présente deux galeries voûtées avec des arcs en plein cintre reposant sur des colonnes massives et des chapiteaux à simple moulure. Une troisième galerie était certainement prévue à l’ouest, devant la salle capitulaire : des mortaises d’attente sont visibles sur les tailloirs des chapiteaux.

En récupérant une partie de leurs bâtiments à la fin du XVIIe siècle, les moines édifient un nouveau réfectoire dans l’aile sud, plus grand, avec de grandes ouvertures et une hauteur sous plafond importante apportant beaucoup de luminosité. Le parement du sol est en tomettes de terre cuite formant des motifs géométriques qui rappellent un décor tapissé. Les moines décorent également la pièce attenante, le salon rouge.

L’aile est entièrement réaménagée entre la fin du XVIIe et le début du XVIIIe siècle. Les moines redistribuent les pièces du rez-de-chaussée avec des affectations bien déterminées (sacristie, chauffoir, parloir, etc.). Ces pièces sont transformées en salons au XIXe siècle puis en bureaux au XXe siècle.

Après le procès de 1680, l’escalier à vis reste l’unique accès aux dortoirs, mais il devient la propriété exclusive du prieur commendataire. Les moines décident de faire construire un escalier en partie aménagée dans le bras sud du transept de l’église. Celui-ci relie l’église et le dortoir. Cet escalier suspendu à volées droites reposant sur des arcs contraste avec l’escalier à vis médiéval : il est ouvert, large, avec un emmarchement confortable et un garde-corps en fer forgé témoignant de la richesse des lieux. La création de l’escalier précipite le déplacement de la salle capitulaire, ordinairement placée à l’est d’un monastère, dans l’aile ouest. À l’étage, les moines transforment le dortoir commun en cellules individuelles.

La façade extérieure de l’aile est présente un ordonnancement régulier ponctué de larges baies et de lucarnes. Un porche d’entrée est également encadré de pilastres à volutes supportant un entablement et un fronton triangulaire interrompu. Un enduit blanc, dont des restes ont été retrouvés lors d’une campagne de fouilles et de restauration, recouvre l’extérieur de la façade.

 

Légende photo : Cloître du prieuré de Pommiers-en-Forez et vue sur le clocher de l’église Saint-Pierre-Saint-Paul © Département de la Loire - Elyas Saens

Les charpentes

charpentes1Le prieuré a la particularité de disposer de trois types de charpente.

La plus ancienne charpente est celle qui couvre le bâtiment sud du prieuré (réfectoire et dortoir). Datée par dendrochronologie du milieu du XVe siècle, il s’agit d’une charpente à chevrons-formant-ferme en chêne. La ferme de toit est un triangle isocèle composé d’un entrait (pièce horizontale), de deux chevrons (pièces obliques) et d’un poinçon (pièce verticale) formant un cadre rigide et indéformable pour supporter le toit en bâtière à forte pente. Ce type de charpente est répandu au cours de la période médiévale.

Les tours du prieuré sont couvertes par une charpente à enrayures (XVIIe-XVIIIe siècles). Le système d’enrayure, grâce à de nombreux rayons, permet d’adapter la charpente en lui donnant une forme circulaire et de constituer des dômes ou des croupes de toit. Ce système de charpente horizontale rayonne autour du poinçon de ferme pour couvrir circulairement la section tout autour de celui-ci. Comme c’est le cas à Pommiers, les enrayures peuvent être superposées pour assurer une meilleure couverture.

Le bâtiment est (salons, dortoir) est couvert quant à lui par une charpente à comble brisé (XVIIe-XVIIIe siècles). Apparu dès le XVIe siècle, avant d’être plus largement diffusé par l’architecte François Mansart le siècle suivant, ce type de charpente permet de dégager de grands espaces sous le toit pour les aménager en pièce de vie ; des lucarnes peuvent être ajoutées afin d’apporter plus de luminosité. Grâce à ce type de charpente, les moines souhaitaient aménager de nouvelles cellules dans les combles, mais ce projet n’a jamais vu le jour.

 

Légende photo : Charpentes à comble brisé au-dessus du bâtiment EST © Département de la Loire - Elyas Saens

Les matériaux

matériau

La construction du prieuré a nécessité l’utilisation de divers matériaux de construction situés à proximité du chantier tels que la pierre, la terre et le bois.

La pierre est massivement utilisée dans la structure du prieuré. Elle peut être utilisée comme pierre de taille servant alors au chaînage d’angle des bâtiments ou comme éléments de supports et de décor (piliers du cloître, chapiteaux, arcs…) ; ou bien sous la forme de moellons équarris intégrés dans la maçonnerie des murs du prieuré. À Pommiers, les artisans utilisent essentiellement le granite de Cézay, un village situé à huit kilomètres (surtout pour les encadrements de baies, les linteaux, les piliers, etc.), ainsi que la pierre calcaire et des galets de la rivière Aix située en contrebas du prieuré ou de la Loire (surtout pour la maçonnerie des murs).

La terre est utilisée dans la fabrication des tuiles (terre cuite) qui forment la couverture des bâtiments monastiques et des briques (terre cuite ou crue) qui sont intégrées dans certaines maçonneries comme celles du logis prieural. Le prieuré présente également certains murs construits en pisé (façade du bâtiment d’accueil et de la maison des associations donnant sur la rue). Il s’agit d’une maçonnerie composée de terre additionnée, selon les régions, de cailloux, de paille, de chaux puis pressée dans des banches (moules servant de coffrage vertical pour couler le pisé).

L’environnement naturel du prieuré fournit en grande quantité ce matériau puisque les bâtiments sont édifiés au sommet d’une petite butte argileuse.

Le bois est surtout utilisé dans la constitution des charpentes du prieuré. Présent en grande quantité à proximité, le chêne forme la majeure partie du bois des charpentes. Reconnu pour leur solidité, ces pièces de chênes sont multi centenaires : elles datent du milieu du XVe siècle et des XVIIe-XVIIIe siècles.

 

Légende photo : Composition des planchers du prieuré © Département de la Loire - Guillaume Atger

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